Le procès des viols de Mazan, qui se tient actuellement à Avignon, plonge la cour criminelle du Vaucluse dans un climat de tension intense. À l’origine de l’affaire, le témoignage accablant de Gisèle Pelicot, victime de viols orchestrés par son ex-mari, Dominique Pelicot, qui l’aurait droguée à son insu. Aujourd’hui, certains des accusés reconnaissent les actes sexuels, mais contestent leur responsabilité pénale, soulevant ainsi un débat juridique autour de la notion d’intention et du consentement.
Un procès sous tension : l’intention au cœur de la défense
Lors de ce procès retentissant, la défense des hommes accusés de viol repose sur un axe délicat : l’absence d’intentionnalité. Plusieurs accusés admettent avoir eu des rapports sexuels avec la victime, mais soutiennent qu’ils ignoraient que Gisèle Pelicot, droguée par son ex-mari, n’était pas consentante. Ils affirment avoir cru participer à un scénario libertin où elle faisait semblant de dormir.
L’avocat Guillaume de Palma a choqué en déclarant devant la cour : « Il y a viol et viol, et sans intention de le commettre, il n’y a pas viol », déclenchant une vague d’indignation parmi les parties civiles et les observateurs. Pour de Guillaume de Palma, si les accusés n’avaient pas conscience d’imposer des rapports sexuels à une victime non consentante, l’acte ne constitue pas un viol. Cette ligne de défense, axée sur l’intention, relance un débat juridique de fond.
Selon le Code pénal français, « il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ». Cela signifie que l’intention de l’accusé est essentielle pour caractériser un viol. Toutefois, comme l’explique à France info Audrey Darsonville, professeure de droit pénal à l’université Paris Nanterre, « soit les faits sont avérés, soit l’infraction n’existe pas, il n’y a pas deux catégories de viols ». Pour elle, la déclaration de l’avocat est non seulement « extrêmement choquante pour les victimes », mais également « une aberration juridique ».
La question du consentement et la définition du viol relancées
Au-delà de ce procès, le débat sur la définition du viol dans le droit français prend une nouvelle ampleur. Actuellement, le Code pénal considère comme viol tout acte de pénétration sexuelle commis « par violence, contrainte, menace ou surprise ». Pourtant, cette définition reste critiquée, notamment par les défenseurs des droits des femmes. Maria Cornaz Bassoli, secrétaire nationale de l’association Choisir la cause des femmes, estime que la définition du viol dans la loi est « trop restrictive » et ne prend pas suffisamment en compte des phénomènes comme la sidération ou la soumission chimique, qui empêchent les victimes de manifester leur absence de consentement.
Maria Cornaz Bassoli plaide pour une modification de la loi qui inscrirait explicitement la notion de consentement dans le Code pénal. Elle explique : « L’inscription de la notion de consentement permettrait de faire poser sur les individus l’obligation de s’enquérir du consentement de son ou sa partenaire ». Selon elle, cela rendrait les cas de viol plus clairs juridiquement et renforcerait la protection des victimes.
Cette position est largement partagée par des associations féministes, qui militent depuis longtemps pour une réforme législative. La ministre démissionnaire chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé, a elle-même déclaré : « Il faut que la question du consentement soit inscrite noir sur blanc dans le Code pénal », appelant à une clarification juridique. Cependant, cette réforme tant attendue reste incertaine depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, qui a mis fin aux travaux parlementaires en cours.
En parallèle, certains juristes, comme Julia Courvoisier, s’inquiètent des conséquences d’une telle réforme, estimant que cela pourrait « déplacer le débat intégralement sur la plaignante et inverser la charge de la preuve ». Pour elle, la défense des accusés à Mazan, bien que controversée, fait partie intégrante du « processus judiciaire normal ». « Chacun a le droit de se défendre comme il le veut », explique-t-elle, même si les propos choquants des avocats peuvent heurter les victimes.
Le procès des viols de Mazan ne se limite pas aux accusations portées contre les 51 hommes jugés. Il relance un débat fondamental sur la notion de consentement dans le droit pénal et sur la manière dont la justice appréhende les violences sexuelles. Alors que la défense tente de minimiser les faits en insistant sur l’absence d’intention, la question du consentement demeure au cœur des discussions, avec des implications potentielles pour l’évolution de la législation française. Le verdict de ce procès pourrait ainsi avoir des répercussions bien au-delà de la salle d’audience.