La tentative des Insoumis de destituer Emmanuel Macron s’est heurtée à un mur. Ce mercredi 2 octobre, la commission des lois de l’Assemblée nationale a rejeté massivement la proposition de résolution visant à destituer le président de la République, avec 54 voix contre et seulement 15 pour. Une issue sans surprise pour un texte dont les chances d’aboutir étaient minimes, tant la procédure, encadrée par l’article 68 de la Constitution, est contraignante. Elle exige en effet une majorité des trois cinquièmes du Parlement réuni en « Haute Cour », une condition quasi impossible à remplir dans le contexte politique actuel.

Malgré tout, les Insoumis n’ont pas manqué de qualifier cette journée d’« historique ». « C’est la première fois de la Ve République qu’une procédure de destitution est étudiée par l’Assemblée », s’est félicité Antoine Léaument, député de l’Essonne. Une référence à la gravité du moment, alors que, jusqu’à présent, aucune tentative de destitution présidentielle n’avait réussi à passer l’étape du bureau de l’Assemblée. Une situation rare, mais insuffisante pour faire plier l’équilibre politique actuel.

Un président accusé de "manquement à ses devoirs"

Le motif de cette procédure, avancé par les Insoumis, repose sur un manquement présumé d’Emmanuel Macron à ses obligations constitutionnelles. Selon eux, le refus du président de nommer la députée Lucie Castets, candidate du Nouveau Front populaire (la nouvelle alliance de gauche), au poste de Premier ministre, après que ce mouvement est arrivé en tête des dernières législatives, constituerait une violation flagrante de l’article 8 de la Constitution. Antoine Léaument n’a pas mâché ses mots : « Emmanuel Macron n’a pas respecté son devoir. Il ne devait pas choisir le Premier ministre, mais le nommer. »

Malgré cette rhétorique incisive, le débat s’est vite heurté aux obstacles juridiques. « La Constitution ne définit pas ce qu’est un “manquement” », a rappelé Jérémie Iordanoff, député écologiste et rapporteur du texte, mettant en lumière les difficultés d’une telle démarche. Pour lui, si « le trouble est réel chez les électeurs », il est délicat de trancher si ce trouble constitue un manquement justifiant une destitution.

Des débats très politiques

Sans surprise, les discussions au sein de la commission ont vite pris une tournure éminemment politique. Les Insoumis ont multiplié les attaques contre « l’autocratie macroniste ». Gabrielle Cathala, députée de La France Insoumise, a fustigé un président « déconnecté du peuple », tandis que les députés du Rassemblement national, de la majorité présidentielle et des Républicains ont dénoncé un simple « coup de communication ». « Vous ne cherchez qu’à créer le chaos », a lancé Philippe Schreck, député RN, critiquant une manœuvre qui, selon lui, n’avait aucune chance de réussir.

Aurore Bergé, ex-ministre et députée Renaissance, n’a pas non plus mâché ses mots, accusant les Insoumis d’« excès, outrances et mensonges », et qualifiant cette proposition de destitution de « farce politique ». Un avis partagé par Philippe Gosselin, député Les Républicains, pour qui « le président est libre de ses choix politiques, même si ceux-ci peuvent être critiqués ».

Un soutien limité à gauche

Si les communistes et une majorité des écologistes ont soutenu la démarche des Insoumis, le reste de la gauche s’est montré plus réservé. Les socialistes, tout en ayant permis au texte d’être débattu, ont clairement exprimé leur opposition. Pour le député de l’Ardèche, Hervé Saulignac, « la destitution doit rester un recours ultime, réservé aux cas extrêmes ». Il a ajouté que l’initiative des Insoumis risquait de « renforcer Emmanuel Macron au lieu de l’affaiblir ».

Même scepticisme du côté de certains écologistes, qui, tout en soutenant l’initiative, ont exprimé des doutes sur l’opportunité de cette procédure. Pour le député de Paris Pouria Amirshahi, « il n’existe aucun autre mécanisme pour contraindre un président à répondre de ses actes graves », mais il a souligné qu’il restait « mal à l’aise » avec cette démarche, craignant une banalisation de la procédure de destitution.

Un avenir incertain pour la procédure

Malgré le rejet de la commission des lois, la procédure n’est pas totalement enterrée. La conférence des présidents de l’Assemblée nationale pourrait encore décider de la soumettre à un débat en séance publique dans les prochains jours. Toutefois, même si ce débat a lieu, le résultat est d’ores et déjà connu. Les macronistes, les Républicains, le Rassemblement national, et même les socialistes, ont déjà fait savoir qu’ils rejetteraient la proposition de destitution. Sans l’appui de ces blocs politiques, la gauche n’aura pas les votes nécessaires pour faire aboutir cette initiative.

En attendant, La France Insoumise promet de poursuivre sa lutte. « Le coup d’État de Macron n’a pas le dernier mot », a lancé Jean-Luc Mélenchon, appelant à la mobilisation contre le chef de l’État. Une bataille politique de plus dans un quinquennat déjà marqué par les tensions et les oppositions multiples, mais qui, pour l’instant, semble vouée à l’échec

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