Huit accusés, liés à l’assassinat du professeur Samuel Paty, comparaissent devant la cour d’assises spéciales de Paris. C’est un procès lourd de sens, à la croisée des chemins entre justice et mémoire, où chaque réquisition entraîne comme un coup de marteau sur une plaie nationale jamais refermée.

La mécanique du drame : complicité ou association de malfaiteurs ?

Abdoullakh Anzorov, jeune islamiste radical de 18 ans, avait assassiné Samuel Paty le 16 octobre 2020 à Conflans-Sainte-Honorine, pour avoir montré des caricatures de Mahomet lors d’un cours sur la liberté d’expression. À la barre aujourd’hui, ce sont huit visages de la tragédie : deux amis de l’assaillant, un prédicateur islamiste, un père meurtri par le mensonge de sa fille, et d’autres accusés à des degrés divers d’implication. Pour les deux amis d’Abdoullakh Anzorov, Naïm Boudaoud et Azim Epsirkhanov , le parquet national anti terroriste (Pnat) a requis les peines les plus lourdes, 14 et 16 ans de réclusion. Les accusations de complicité d’assassinat terroriste n’ont pas été retenues faute de preuves irréfutables, mais l’association de malfaiteurs terroristes demeure. Leur rôle de soutien logistique et moral, leur proximité avec l’assaillant, leur connaissance de ses convictions radicales… tout cela, selon le parquet, a permis la réalisation de l’attentat. « Ils ont été les catalyseurs silencieux du passage à l’acte », a asséné l’avocat général.

Pour Abdelhakim Sefrioui , prédicateur islamiste, et Brahim Chnina , père de la collégienne à l’origine du mensonge, les réquisitions sont de 12 et 10 ans de prison. Deux figures clés dans la tempête numérique qui a précipité Samuel Paty vers son destin funeste. Leurs discours, leurs vidéos virales et leur acharnement à déformer la vérité ont allumé une mèche qu’ils n’ont su éteindre. « En allumant des milliers de mèches numériques, ils savaient que l’une d’elles mènerait à la violence djihadiste », a martelé le parquet.

Un procès pour la justice, une audience pour la mémoire

L’assassinat de Samuel Paty avait été précédé d’une effroyable manipulation : celle du mensonge d’une adolescente de 13 ans. À la barre, en décembre 2023, elle avait présenté ses excuses, s’excusant d’avoir accusé, sans fondement, le professeur d’histoire-géographie de discrimination contre les élèves musulmans. Une dénonciation calomnieuse qui avait attisé la haine jusqu’à l’irréparable. Son père, Brahim Chnina, s’accroche à ses regrets, clamant qu’il « n’était pas un terroriste » et qu’il avait « cru sa fille à 100% ». Mais pour la famille de Samuel Paty, ces mots résonnent encore comme une insupportable légèreté face à une tragédie nationale. « Ce sont des réquisitions scandaleuses », a déclaré Virginie Le Roy, avocate de la famille Paty. Les parents et la sœur de l’enseignant sont en colère, choqués. « La famille attendait de la justice qu’elle fasse preuve d’une fermeté inébranlable », a rétorqué Francis Szpiner, avocat du fils de Samuel Paty. Ce procès est plus qu’une simple audience : c’est une bataille pour la vérité, pour le droit et pour l’honneur d’un homme devenu, malgré lui, symbole de la liberté d’enseigner. La cour d’assises spéciales rendra son verdict dans quelques jours, jeudi ou vendredi. Ce sera l’épilogue d’un procès qui aura tenté de décrypter la mécanique infernale d’une tragédie, où des mensonges, des discours de haine et des silences coupables ont nourri la barbarie. Mais derrière les peines, derrière les accusations et les plaidoiries, reste la mémoire d’un enseignant assassiné pour avoir voulu transmettre le sens de la liberté à ses élèves. Une mémoire que la justice, même imparfaite, s’efforce d’honorer.

Samuel Paty était un homme ordinaire, passionné d’histoire, qui aimait son métier et ses élèves. Sa mort brutale a bousculé la nation toute entière, laissant une empreinte indélébile. Aujourd’hui, ce procès rappelle une vérité essentielle : les mots ont un poids, et parfois, un prix à payer. À la justice, désormais, de prononcer sa sentence.

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