Ce mercredi 4 juin, les dockers du port de Marseille-Fos ont refusé de charger un conteneur contenant du matériel militaire à destination d’Israël. Une action militante contre la guerre à Gaza, qui relance le débat sur les exportations d’armes françaises.

C’est un geste fort, rare, et lourd de symboles. Dans un communiqué publié ce mercredi, la CGT des ouvriers dockers du port de Marseille-Fos a annoncé qu’un conteneur contenant des pièces d’armement à destination d’Israël ne serait pas chargé sur un bateau à destination du port d’Haïfa. Une décision politique, assumée, prise « pour ne pas participer au génocide en cours orchestré par le gouvernement israélien ». L’action, saluée par plusieurs figures de la gauche, relance les critiques autour du commerce d’armes entre la France et Israël.

Un conteneur isolé, des dockers déterminés

Alertés par plusieurs réseaux militants, les dockers affirment avoir identifié 19 palettes de maillons — des pièces métalliques utilisées pour relier des balles de fusils mitrailleurs — fabriquées par l’entreprise marseillaise Eurolinks. Ces éléments devaient être chargés jeudi après-midi sur un navire à destination d’Israël. « On a réussi à l’identifier, le mettre de côté. Il ne partira pas », a affirmé Christophe Claret, secrétaire général des dockers de Fos, à l’AFP. 

Dans son communiqué, la CGT Dockers justifie sa décision par des raisons éthiques : « Le port de Marseille-Fos ne doit pas servir à alimenter l’armée israélienne […] Nous sommes pour la paix entre les peuples. » Une fois qu’un conteneur est refusé par les dockers, aucune autre catégorie de personnel n’est habilitée à le charger, précisent-ils. Ce blocage ne concerne qu’une partie des cargaisons : les autres conteneurs du même bateau seront, eux, bien embarqués. L’action s’inscrit dans une série d’alertes lancées ces derniers mois par des ONG et des journalistes d’investigation sur les exportations d’armement indirectes vers Israël via la France.

Soutiens politiques et tensions diplomatiques

À gauche, cette action a été largement saluée. Jean-Luc Mélenchon, leader de La France Insoumise, a appelé à un « embargo maintenant sur les armes du génocide », qualifiant les dockers de « résistants ». Manuel Bompard, député LFI, a salué leur courage : « Gloire aux dockers du port de Marseille-Fos. » Même tonalité chez Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, qui a salué « un acte d’humanisme » sur X (ex-Twitter), ajoutant : « L’humanisme n’est pas à vendre. »

Côté gouvernemental, la réponse est plus prudente. Le ministère des Armées affirme que ces pièces exportées par Eurolinks ne sont pas destinées à l’armée israélienne. Elles seraient « assemblées en Israël puis réexportées vers d’autres pays », selon une position défendue depuis mars 2024. Une manière pour l’exécutif de maintenir la ligne officielle : Israël reste un « partenaire » commercial, tout en affirmant vouloir limiter les dérives. Mais ces explications peinent à convaincre certains observateurs. Le site Disclose, appuyé par Marsactu, avait déjà révélé en mars que des pièces similaires étaient livrées à la société IMI Systems, fournisseur exclusif de l’armée israélienne. Deux autres livraisons de maillons auraient été expédiées vers Haïfa en avril et mai 2024.

La guerre de Gaza s’invite sur les quais

Depuis le début de la guerre menée par Israël contre le Hamas à Gaza, la France a officiellement appelé à des trêves humanitaires, tout en maintenant une ambiguïté sur ses relations commerciales avec l’État hébreu. Cette position « à deux vitesses » est précisément ce que dénoncent les dockers et leurs soutiens : un refus de rompre les liens économiques malgré les violations du droit international humanitaire rapportées par plusieurs ONG et agences de l’ONU.

Pour les syndicalistes marseillais, refuser de charger ces pièces est un acte de cohérence et de conscience. « Nous déplorons tous ces conflits armés qui engendrent la mort, la misère, l’exode », rappelle leur communiqué. Cette action locale pourrait-elle inspirer d’autres ports européens ? Ces dernières semaines, des blocages d’armes ont été menés par des dockers en Belgique, en Espagne ou aux États-Unis, dans un mouvement global de désobéissance syndicale.

La question d’un embargo total sur les armes à destination d’Israël divise la classe politique française. Pour ses partisans, il s’agirait de mettre en cohérence la politique étrangère de la France avec ses principes humanitaires. Pour ses opposants, cela reviendrait à rompre un partenariat stratégique, au moment où les tensions au Proche-Orient restent explosives. Reste que le geste des dockers marseillais pourrait marquer un tournant dans la mobilisation française contre les ventes d’armes. Une initiative syndicale qui, dans un contexte de polarisation croissante, prend des allures de résistance civile et politique.

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