En qualifiant CNews de chaîne « d’extrême droite », Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, a déclenché la colère de Pascal Praud.

La guerre des mots entre médias publics et médias privés s’intensifie. Ce jeudi 18 septembre, Pascal Praud, présentateur vedette de CNews, a répliqué avec virulence aux déclarations de Delphine Ernotte Cunci, présidente de France Télévisions, qui a qualifié la chaîne d’info du groupe Bolloré de média « d’extrême droite » dans un entretien au Monde. Pour l’animateur, de tels propos dépassent le simple débat sur la ligne éditoriale : « Aujourd’hui dans les manifestations, il y aura des journalistes de CNews sur le terrain. Elle leur met une cible sur le dos, elle les met en danger », a-t-il lancé en direct.

Cette prise de position illustre la crispation croissante autour de la place de CNews dans le paysage médiatique français, souvent accusée de donner une tribune disproportionnée à des figures politiques et éditorialistes marqués à droite. Pour ses défenseurs, la chaîne offre au contraire un espace de liberté et de contre-discours face à ce qu’ils perçoivent comme une domination idéologique du service public.

Une polémique dans un climat médiatique tendu

L’attaque de Pascal Praud contre Delphine Ernotte intervient alors qu’une autre affaire agite l’audiovisuel public : la polémique autour de Thomas Legrand et Patrick Cohen. Filmés dans un restaurant parisien en train d’échanger avec des responsables du Parti socialiste, les deux journalistes de France Inter et France 5 ont été accusés de collusion politique, après la diffusion de la séquence où Thomas Legrand affirmait : « Nous, on fait ce qu’il faut pour (Rachida) Dati, Patrick (Cohen) et moi ». Cet épisode a relancé les critiques sur l’impartialité du service public, au point que l’Arcom, le régulateur de l’audiovisuel, a annoncé une étude indépendante sur la perception par le public de la neutralité des antennes publiques. 

L’instance a toutefois rappelé qu’elle n’était pas compétente pour juger des vidéos diffusées en dehors des canaux officiels, mais qu’elle restait garante de « l’impartialité et de l’indépendance » de l’information sur les chaînes et radios publiques. Dans ce contexte déjà électrique, les propos de Delphine Ernotte dans Le Monde sur CNews ont agi comme un détonateur. Pour Pascal Praud, qualifier sa chaîne « d’extrême droite » revient non seulement à discréditer son travail, mais aussi à fragiliser ses équipes sur le terrain, dans un climat social marqué par les manifestations et les tensions politiques.

Un débat politique autant que médiatique

Derrière cette passe d’armes se joue une bataille d’influence qui dépasse largement les rédactions. Depuis son rachat par le groupe Bolloré, CNews a été régulièrement accusée de s’être transformée en une « Fox News à la française », donnant la parole à des personnalités proches de l’extrême droite et à des éditorialistes conservateurs. Une image renforcée par les figures de plateaux comme Éric Zemmour, invité régulier avant de lancer sa carrière politique, ou encore par la place centrale prise par Pascal Praud lui-même.Face à cela, le service public se pose en garant d’une information neutre et indépendante. Mais l’affaire Legrand-Cohen a fissuré cette posture, alimentant le procès en « double standard » que mènent régulièrement les soutiens de CNews. La déclaration de Delphine Ernotte, en qualifiant explicitement la chaîne du groupe Bolloré d’extrême droite, a donc été immédiatement perçue comme une attaque politique et symbolique.

Pascal Praud en a fait une question de sécurité pour ses reporters, mais aussi un symbole de la guerre culturelle qui oppose une partie de la droite et de l’extrême droite aux médias publics, accusés d’entretenir une ligne idéologique uniforme. En retour, de nombreux observateurs estiment que CNews contribue, par ses choix éditoriaux, à la polarisation du débat public et à la normalisation de certains discours radicaux.

Une bataille pour l’impartialité

Entre accusations croisées, régulation en cours et méfiance grandissante de l’opinion publique, la question de l’impartialité de l’information est plus que jamais au centre du débat. Les syndicats de journalistes alertent régulièrement sur les pressions politiques exercées sur les rédactions, tandis que les dirigeants de chaînes et de groupes audiovisuels se renvoient la responsabilité de la défiance croissante des citoyens envers les médias.

Le bras de fer entre Pascal Praud et Delphine Ernotte n’est donc pas un simple échange d’invectives : il cristallise une fracture médiatique et politique majeure en France. Entre un service public sommé de prouver sa neutralité et une chaîne privée accusée de dérive idéologique, c’est l’ensemble du paysage médiatique qui se retrouve fragilisé, dans un contexte où la confiance dans les médias n’a jamais été aussi basse.

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