Lundi 22 septembre, Emmanuel Macron a donné un discours, très attendu, aux Nations Unies, afin de reconnaître officiellement l’Etat de Palestine. Un choix amplement critiqué en Israël.
« Nous reconnaissons aujourd’hui la Palestine, car la paix ne peut se construire que sur deux États vivant côte à côte, en sécurité », a déclaré le président français, sous les applaudissements d’une partie de l’hémicycle. Cette reconnaissance, réclamée de longue date par plusieurs ONG et formations politiques, marque un tournant : jusqu’ici, la France se contentait de défendre l’idée d’un État palestinien sans franchir le Rubicon diplomatique.
Quelle est la position historique de la France sur la question palestinienne ?
La position française sur le conflit israélo-palestinien s’est construite au fil de l’histoire et des présidences successives, entre fidélité à Israël et ouverture au monde arabe. Dès 1949, Paris fut l’un des premiers pays à reconnaître officiellement l’État d’Israël, marquant son attachement à la sécurité du jeune État hébreu. Mais le ton change en 1967, lorsque le général de Gaulle, après la guerre des Six Jours, critique sévèrement la politique d’occupation israélienne et prône une diplomatie plus équilibrée à l’égard des pays arabes. Depuis, chaque président français a défendu, avec plus ou moins de vigueur, la solution dite des “deux États”, affirmant le droit d’Israël à vivre en sécurité mais aussi celui des Palestiniens à disposer d’un État souverain.
François Mitterrand fut le premier à prononcer le mot “Palestine” devant la Knesset en 1982, Jacques Chirac incarna une ligne indépendante face aux États-Unis et à Israël dans les années 1990 et 2000, tandis que Nicolas Sarkozy et François Hollande ont maintenu une politique d’équilibre sans franchir le pas de la reconnaissance formelle. Emmanuel Macron, en officialisant cette reconnaissance, s’inscrit donc dans une continuité historique, mais il devient le premier président à transformer les paroles en acte diplomatique concret.
Macron assume, malgré les menaces
Le chef de l’État se défend d’avoir agi sous la pression : « Ce n’est ni une récompense ni une provocation. C’est un choix pour la paix. » Dans son discours, il a précisé que l’ouverture d’une ambassade française en Palestine restait conditionnée à la libération des otages israéliens encore retenus depuis les attaques du 7 octobre 2023. Une façon de ménager à la fois l’opinion israélienne et ses partenaires occidentaux. Mais les avertissements venus de Tel-Aviv ne se sont pas fait attendre.
L’ambassadeur israélien à l’ONU, Danny Danon, a promis des « mesures de représailles ». Certains ministres évoquent déjà l’annexion de secteurs de Cisjordanie. La France quant à elle, a rapidement affirmé qu’elle ne restera «pas inerte» en cas de représailles israéliennes à la reconnaissance officielle de l’État palestinien. «On est prêt. On a planifié toutes les options possibles, c’est-à-dire qu’on ne restera jamais inerte. C’est juste qu’on planifie les choses et qu’on défendra toujours les intérêts de la France partout où elle est représentée», a déclaré le président français depuis New-York.
En Israël, colère et inquiétude
Alors que la société israélienne est nettement divisée depuis bientôt deux ans, il semblerait que les israéliens aient trouvé un terrain d’entente. La décision de la France de reconnaître la Palestine comme Etat les rassemble dans une colère commune. Je pense que c’est une très mauvaise chose, car cela nous isole », explique Rafael, un étudiant de 23 ans, à Jérusalem, au micro de France Info. « C’est une très mauvaise décision parce que les Français ont toujours été derrière nous, mais maintenant, on se rend compte qu’ils sont contre nous », a réagi de son côté Eyal. Une autre personne interrogée par France Info estime que le moment était mal choisi. « Je pense que ce n’est pas le bon moment. Cela rajoute de l’huile sur le feu. Il y avait d’autres choses intéressantes à faire diplomatiquement et politiquement avant cette reconnaissance ».
Pour d’autres, il s’agit d’un leurre. « Un Etat palestinien aux côtés de l’Etat d’Israël, ça n’arrivera jamais, nous, on encourage la vie, et eux, la mort. Le conflit est tellement profond. Ils ne veulent pas de nous à leurs côtés », estime Alex, toujours au micro de France Info. La décision française est perçue comme une trahison par une partie de la droite nationaliste. « Cela ne change rien sur le terrain, mais cela donne des arguments à nos ennemis », dénonce Yaïr Lapid, figure de l’opposition.
En reconnaissant l’État palestinien, Emmanuel Macron inscrit son nom dans l’histoire diplomatique française. Mais il ouvre aussi une période d’incertitude : la France pourra-t-elle maintenir le dialogue avec Israël tout en soutenant la Palestine ?
La réponse viendra dans les prochains mois, à la croisée des alliances et des menaces.