Le droit d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse découle normalement d’un droit fondamental. En 2022, en France, ce droit est-il menacé en France ?

« Nous ne sommes pas les États-Unis. Aucune formation politique en France ne réclame la suppression de ce droit. Je ne comprends pas bien du coup à quel danger doit répondre cette demande de constitutionnalisation »,

a déclaré Marine Le Pen à l’Assemblée Nationale et s’y est à nouveau opposée lors d’une interview accordée au Journal du Dimanche.  Mais alors, à quel danger doit donc répondre cette demande ?

Le droit à l’avortement en France, en quelques dates

La loi Simone Veil, votée en 1975, garantie à toutes les femmes françaises le droit à l’interruption volontaire de grossesse avant 12 semaines d’aménorrhée (10 semaines depuis la date de conception). Si cette loi est votée, c’est parce que depuis 1810, l’avortement est considéré comme un crime. A cette époque, les femmes ayant volontairement mis fin à leur grossesse risquent la prison, ainsi que ceux les ayant aidées dans la démarche. En 1967, on avance un peu : La loi Neuwirth autorise la contraception.

En 1971, « le célèbre manifeste des 343 salopes », écrit par Simone de Beauvoir est publié. Il demande la dépénalisation de l’avortement. Il est notamment signé par Gisèle Halimi, Catherine Deneuve et Jeanne Moreau. Entre temps, un procès renverse l’opinion publique. Une jeune fille de 16 ans est jugée en 1972 après avoir avorté alors qu’elle avait été victime d’un viol. Elle risque alors la prison ainsi que sa mère qui l’avait alors aidée. Elle est finalement acquittée grâce à Gisèle Halimi, son avocate. Aujourd’hui, la loi Veil est un acquis. Mais il serait question de la constitutionnaliser, une demande qui n’est pas au goût de tout le monde. Notamment de Marine Le Pen, qui s’est exprimée ce dimanche 13 novembre dans les colonnes du JDD.

Le droit à l’avortement est-il menacé en France ?

Le débat a été réanimé depuis le révocation de l’arrêt Roe V. Wade, le 24 juin 2022. Un chamboulement extrême pour la société américaine. La cheffe des députés Renaissance, Aurore Bergé, a ainsi déposé au début de l’été une proposition de loi visant à inscrire le droit à l’IVG dans la constitution, emboîtant le pas à la Nupes. Mais pour le Rassemblement National, la question ne se pose pas : le droit à l’avortement n’est aucunement menacé en France.

© IVG - PEXELS

Il est vrai qu’aucun parti politique ne remet officiellement en question le droit fondamental à l’avortement et donc de disposer de son corps, ou n’exprime sa volonté de revenir sur la loi Veil.
En revanche, Marine le Pen et les membres de son parti (Rassemblement National) ont toujours été assez ambigus sur la question. En 2012, la chef du parti avait d’ailleurs créé un tollé en évoquant des « avortement de confort » qui devraient être « déremboursés ». Depuis, la ligne de défense du parti d’extrême-droite est la suivante : il faut défendre le « droit à l’IVG, mais pas son encouragement ». Des positions qui se veulent ambiguës et qui nourrissent l’idée que le Rassemblement National n’est pas un fervent défenseur du droit à l’avortement. Et si l’accès à l’avortement est aujourd’hui acquis, il l’était également aux Etats-Unis. Quinze ans avant le 24 juin 2022, personne ne pensait que ce droit serait revu. Puis, pour la majorité des états, transformé en délit. La question est donc légitime. Mais pour l’heure, on ne peut en effet pas dire que ce droit est menacé. Il est discuté. Et il n’est certainement pas défendu de la même façon dépendant la personne à laquelle on s’adresse. Mais la loi n’est pas remise en cause.

Constitutionnaliser ou pas ?

Virginie Duby-Muller, LR, de son côté, estime que ce droit n’est actuellement pas en danger :

L’IVG est devenue un véritable droit pour les femmes et non plus seulement une simple dépénalisation.

Elle a notamment évoqué le risque d’inscrire dans la Constitution un droit à l’avortement sans condition, et « jusqu’à la fin du terme » d’une grossesse.

L’objectif ici n’est pas d’étendre ou d’aller au-delà de ce que la loi prévoit déjà

a répondu Aurore Bergé aux députés LR. Selon elle, il serait plus opportun de voir l’inscription de l’IVG dans la constitution comme un frein à un potentiel risque de régression par rapport à la loi actuelle.

Aucune organisation de femmes ne demande le droit absolu à l’avortement et en toutes circonstances, cela n’existe pas, ne créons pas de faux débat entre nous

a de son côté répondu Rachel Garrido.


l’Assemblée se prononcera en séance sur l’opportunité de constitutionnaliser l’IVG le 24 novembre lors de l’examen du texte LFI, puis le 28 novembre pour ce qui est de la proposition de loi d’Aurore Bergé.

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