La profession se retrouve dans l’embarras. Édith Bouvier et Céline Martelet, journalistes indépendantes, ont collaboré avec de nombreux médias comme BFVTV, Marianne, France Inter ou encore RMC. Récemment, elles ont été accusées, avec Bruno Vinay, un ancien avocat, d’avoir financé le terrorisme. Le 23 janvier, le procureur a requis cinq ans de suris contre l’avocat, dix mois contre Édith Bouvier et douze mois contre Céline Martelet, avec sursis également. Le tribunal de Paris a suivi ces réquisitions ce vendredi 22 mars.
Sauver des vies à Mossoul
En 2017, des Français partent se battre du côté de l’organisation Etat islamique, lors de la bataille de Mossoul, en Irak. Parmi eux, Mélina Boughedir et son époux, Maximilien Thibaut, un converti, membre du groupe nantais islamiste Forsane Alizza. La femme s’est retrouvée bloquée à Mossoul avec ses quatre enfants qui « mouraient de faim ». C’est grâce à l’intervention d’un irakien, corrompu grâce à l’argent des proches, envoyé avec l’aide de l’avocat et des journalistes, qu’elle a pu être exfiltrée. Sans cette opération, Mélina Boughedir aurait été tuée, affirme Edith Bouvier, lors de l’audience. A l’heure actuelle, la femme purge une peine de prison de 20 ans pour avoir rejoint Daesh, en Irak. Son mari, lui, a été tué à Mossoul. Les quatre enfants, eux, ont été rapatriés en France.
En 2019, l’affaire s’ébruite. L’avocat Bruno Vinay est suspendu par l’ordre des avocats de Paris, sur demande des juges d’instruction. Il quitte donc la profession après avoir été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire. Du côté des journalistes, aucune sanction n’a été prise étant donné qu’il n’existe pas d’ordre destiné à la profession. « C’est l’histoire d’une perte de repères et d’un dévoiement. Les protagonistes, flattés de disposer d’une certaine lumière médiatique, aveuglés par les liens affectifs qu’ils ont ou pensent avoir avec les jeunes sur zone, perdent toute distance, toute lucidité », résumait le procureur Benjamin Chambre dans son réquisitoire.
Un jugement trop sévère selon les journalistes
« Envoyer de l’argent à quelqu’un qui est dans un groupe terroriste, même s’il vous dit que c’est pour se nourrir, c’est un délit, c’est comme ça », a déclaré le procureur, qui estime que les sommes transférées étaient très importantes. Des sommes qui, selon lui, ont permis aux djihadistes de « tripler » leur revenu. L’ex-avocat, lui, s’il a reconnu les faits de corruption pour l’opération d’exfiltration, a rejeté les accusations de financement du terrorisme. Les deux journalistes ont concédé être « sorties du cadre » de journalistes, mais ont expliqué et affirmé avoir agi par « humanité » et pour « sauver des vies ». Elles ont fait part de leur étonnement après le jugement, qu’elles jugent trop sévère. « Il existe décidément un gouffre entre la réalité du terrain et ce que la justice croit pouvoir en faire », ont-elles réagi, affirmant « n’avoir jamais financé le terrorisme » qu’elles combattent « chaque jour dans leur profession ». Dans cette affaire, trois individus étaient également accusés : les deux mères et le beau-père d’individus jeunes français qui se sont convertis à l’islam et ont été radicalisés avant de partir en Syrie pour rejoindre Daesh. Ces parents étaient incriminés pour avoir transféré des sommes d’argent considérables à leurs enfants, prétendument pour les aider à subvenir à leurs besoins, sur une période s’étendant de 2014 à 2017. Les deux journalistes comptent faire appel de la décision, a indiqué leur avocate.