La pâte à tartiner algérienne El Mordjene, produite par la marque Cebon, a enflammé les réseaux sociaux cet été, devenant un phénomène en France. Grâce à des influenceurs vantant sa texture « incroyable » et son goût rappelant celui du Kinder Bueno, le produit s’est arraché dans les rares épiceries qui le proposaient. Toutefois, son ascension a été brutalement stoppée par une décision des autorités européennes interdisant sa commercialisation dans l’Union européenne.

Une interdiction fondée sur des normes strictes

Le vendredi 13 septembre, le ministère français de l’Agriculture a confirmé l’interdiction d’importation de la pâte à tartiner El Mordjene, précisant qu’une enquête est en cours pour comprendre comment le produit a pu se retrouver sur le marché français. L’Union européenne impose des règles strictes concernant l’importation des produits contenant des ingrédients d’origine animale, notamment les produits laitiers. L’Algérie, pays d’origine de la pâte El Mordjene, ne remplit pas les conditions sanitaires requises par l’UE en matière de sécurité alimentaire et de santé animale.

Cette décision a provoqué la colère des consommateurs, qui se ruent sur les derniers pots disponibles. Le produit, vendu à plus de 10 euros dans certains commerces, est devenu une denrée rare, notamment à cause de sa popularité virale. Des vidéos TikTok montrant des palettes de pots chez des épiciers ont contribué à l’engouement, renforçant la demande dans les grandes villes françaises.

L’impact économique et l’enquête en cours

L’interdiction a non seulement perturbé les consommateurs, mais elle a également mis sous pression certains acteurs de la grande distribution. Alors que des enseignes comme Carrefour avaient envisagé de commercialiser le produit, elles doivent désormais se plier aux régulations européennes. « Nous respecterons la réglementation européenne sur l’importation des produits alimentaires », a affirmé un porte-parole de Carrefour. De leur côté, d’autres géants comme Auchan, Aldi et Lidl ont déjà annoncé qu’ils ne commercialisent pas la pâte à tartiner.

Une enquête a été ouverte pour déterminer « les mécanismes de contournement » ayant permis à El Mordjene de pénétrer le marché français. En effet, deux envois sont actuellement bloqués aux postes de contrôle frontaliers en France, confirmant les informations selon lesquelles des containers de la pâte à tartiner seraient immobilisés à Marseille.

Un succès qui dérange ?

En Algérie, la fierté nationale est au rendez-vous. « J’ai parcouru presque 20 kilomètres à cause de cette pâte El Mordjene. Elle est devenue très célèbre », témoigne Hassen Mekid, un Algérien fier de voir ce produit de son pays conquérir des marchés internationaux. Cet enthousiasme est partagé par de nombreux commerçants algériens, qui saluent la réussite d’un produit local face aux géants de l’agroalimentaire.

Toutefois, certains observateurs voient dans cette interdiction une forme de protectionnisme déguisé, visant à protéger des marques européennes établies, notamment Nutella. Mustapha Zebdi, président de l’Association algérienne de protection des consommateurs (Apoce), a exprimé cette idée, suggérant que l’ascension rapide d’El Mordjene a alarmé les acteurs européens. Selon lui, c’est lorsque le produit a commencé à représenter une menace pour les marques locales que des normes strictes ont été mises en avant pour justifier l’interdiction. « Le produit entrait et voyageait, et quand il est devenu un danger pour leur produit bien-aimé, ils ont fait tous les tests et sorti toutes les normes », a-t-il déclaré.

La domination du marché par Nutella

Le marché européen des pâtes à tartiner est largement dominé par Nutella, la marque de Ferrero, qui détient environ 75 % du marché en France. L’an dernier, Ferrero a vendu près de 90 millions de pots de Nutella en France, soit environ 2,85 pots par seconde. Face à cette hégémonie, toute nouvelle entrée sur le marché représente une concurrence sérieuse, d’autant plus que le succès d’El Mordjene est propulsé par des campagnes virales sur les réseaux sociaux, touchant un public jeune et connecté.

L’affaire El Mordjene illustre les tensions entre succès commercial et exigences réglementaires. Si la popularité de la pâte à tartiner algérienne a été propulsée par les réseaux sociaux, elle se heurte désormais à des obstacles légaux imposés par l’Union européenne. Pour les consommateurs et les producteurs algériens, l’interdiction est perçue comme une injustice, tandis que les grandes marques européennes restent vigilantes face à l’émergence de nouveaux concurrents. L’avenir d’El Mordjene en Europe est pour l’instant suspendu aux résultats de l’enquête en cours.

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